Didier Rousseau-Navarre
Du paysage à la sculpture au paysage
Ma réflexion d’artiste en Corse
Depuis onze ans, Chaque année j’effectue plusieurs séjours dans l’île. Au printemps, en été et à l’automne. Mon camp de base est situé à Propriano.
Au début des années 2000, mon regard enthousiaste s’est nourrit de la découverte naturaliste de paysages préservés. L’anthropisation du golf de Valinco n’était pas très forte, le rapport Homme/Nature me semblait cohérent parce que la campagne était encore en ville.
Peu à peu j’ai vu le village gravir les collines et les collines s’éloigner la ville.
Dans le même temps, en botaniste j’observe les plantes, notamment l’évolution d’une espèce endémique de l’île : Anchusa crispa, la buglosse crépue dont une station sur la plage de Tavaria est menacée de disparition. Elle est en recul face à une autre plante, introduite en corse et invasive celle là : Carpobrotus edulis, mieux connue sous le nom de : doigt de sorcière, à cela s’ajoute un surcroît de piétinement par véhicules 4X4 et autres Quads toujours plus nombreux. La pression anthropique est lourde.
Face à ces constats je souhaitais agir, réagir, éveiller des consciences. J’ai pensé dans un premier temps initier la création d’un jardin botanique comme une école pour instruire les habitants et les visiteurs sur l’intérêt et l’importance de connaître et sauvegarder les plantes et les paysages, chose que j’ai déjà réalisé en Champagne avec le jardin botanique de Marnay sur Seine.
Et puis je me suis ravisé, désabusé, usé par l’expérience d’une autre difficulté : celle de conduire une réalisation associative dans la durée, de parvenir à fédérer pour l’intérêt général, autant d’intérêts privés dans un climat d’hypocrisie politique et de récession économique. Non merci j’ai déjà donné !
Finalement, c’est par mon travail d’artiste que je m’engage aujourd’hui, dans une création militante et pédagogique en témoignant de ma relation avec : Le, les paysages de La Corse.
Je collecte des troncs d’arbres condamnés par l’activité humaine ou éolienne et je sculpte dans leur bois la graine ultime qui leur correspond en gravant le code de géo localisation de l’endroit où l’arbre a poussé. Autant que cela est possible je collecte l’histoire associée à cet arbre; ça peut être des scarifications sur l’écorce, (mémoire de la relation confidentielle homme / plante); des objets dans le sol sous son houppier, déterrées avec l’aide d’un détecteur de métaux et qui constitueront une part de mémoire de l’activité humaine, événementielle et historique, autant d’éléments qui peuvent être associés à l’œuvre.
J’ai entrepris ce travail de collecte depuis deux ans et récemment j’ai collecté les éléments pour traiter de la disparition et de la mémoire d’un paysage du Valinco qui laissera place à la création d’une route de contournement de la ville de Propriano.